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À l’échelle des Hauts-de-France et de la Wallonie, territoire couvert par le LIFE Anthropofens, les habitats de tourbières alcalines offrent une grande variabilité le long d’un gradient biogéographique naturel Ouest-Est (domaine nord-atlantique à continental). L’histoire propre à chaque site confère également au territoire une forte diversité d’états dans la dynamique des successions végétales depuis les premiers stades aquatiques, jusqu’aux stades matures forestiers en passant par les stades dominés par les herbacés et les bryophytes (mousses et hépatiques) qui caractérisent les tourbières les mieux conservées. Enfin, selon l’intensité des activités humaines qu’elles ont subi leur état de conservation est plus ou moins bon.

Des tourbières toujours actives

Dans les grandes vallées, les tourbières « actives », c’est-à-dire dans lesquelles la formation de tourbe est toujours en cours aujourd’hui, sont généralement enclavées au sein de milieux humides qui connaissent des fluctuations plus importantes du niveau des eaux et qui ne sont donc plus de véritables tourbières. Ces marais sont établis sur des sols faits d’argiles ou de limons apportés par les eaux de ruissellement ou les cours d’eau et recouvrant les niveaux tourbeux historiques. Dans les dépressions déconnectées des vallées (marais de la Souche, de Sacy, de Villiers, etc.), le morcellement est également de règle mais les milieux tourbeux forment encore des ensembles relativement fonctionnels. Ces sites coïncident avec des niveaux de nappe proche de la surface du sol et une décharge des eaux souterraines qui traversent la tourbe puis regagnent le réseau hydrographique de surface. On parle alors de tourbières « phréatogènes » qui peuvent présenter un fonctionnement comparable aux conditions d’origine.

Dans ces différents contextes actuels, les végétations turfigènes sont principalement présentes en bordure des pièces d’eau résultant du creusement de fosses de tourbage. Elles subsistent également sur les couches de tourbe qui n’ont pas été décapées et s’étendent localement au-delà des berges lorsque les eaux souterraines permettent encore un engorgement suffisant du sol.

Le sous-sol au cœur de la formation des tourbières

Les milieux humides du bassin parisien (au sens géologique) ont connu, depuis le dernier maximum glaciaire, soit il y a environ 20 000 ans, une extension marquée des tourbières, en particulier alcalines. En effet, dans les Hauts-de-France comme en Wallonie, le sous-sol présente d’importantes couches de roches calcaires poreuses favorables à l’infiltration et au stockage de l’eau. Ces eaux souterraines contribuent à l’alimentation de certains cours d’eaux et peuvent également refaire surface dans les dépressions topographiques. Il existe aussi des sources affleurantes au niveau des flancs des buttes-témoins ou des plateaux, notamment en cas de rencontre avec une couche imperméable.

Lorsque la quantité d’eau en provenance de ces nappes est telle que le sol est saturé ou inondé en permanence, alors des tourbières peuvent s’établir. Ce processus est en cours depuis plus de 10 000 ans et a permis la constitution de stocks de tourbe importants dans les marécages qui ont pu s’étendre à la faveur du réchauffement climatique post-glaciaire. Les conditions d’apparition des tourbières se sont trouvées réunies dans différents contextes : milieux lacustres, marais de pente ou encore plaines arrière-littorales. Mais ce sont surtout les vallées formées au cours des périodes froides qui ont offert les plus grands espaces favorables à l’extension des végétations palustres à l’origine de l’accumulation de tourbe dans les fonds de vallées, comme celles de la Somme, de l’Avre, de l’Authie, de la Sensée ou encore de l’Escaut.

Si des processus équivalents sont toujours à l’œuvre dans les écosystèmes tourbeux d’aujourd’hui, les aménagements et les usages humains ont considérablement modifié l’environnement général des tourbières au cours de l’histoire récente. Les peuplements de plantes génératrices de tourbe qui n’ont pas tout simplement disparues à la suite des travaux de dessèchement ont dû s’adapter et seuls les espaces bénéficiant encore d’apports d’eau en quantité et en qualité suffisantes leur permettent aujourd’hui de perdurer.

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