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Les tourbières du Nord de la France et de Wallonie ont régressé au court des derniers millénaires avec une accélération lors des siècles derniers. L’Anthropocène, « période géologique » caractérisée par la mainmise de l’homme sur son environnement, a en effet été le théâtre d’importantes modifications des milieux naturels et de leur fonctionnement.

Les tourbières y couvraient autrefois de vastes espaces au sein des vallées ou à la faveur de « cuvette ». Depuis l’Antiquité, elles ont été progressivement aménagées afin de les rendre accessibles et exploitables, que ce soit pour l’agriculture (élevage et maraîchage), pour l’extraction de la tourbe, la plantation de peupliers, et plus récemment pour des usages de loisirs (chasse, pêche, etc.).

Ancien réseau de drainage en "arête de poisson"

Les atteintes d’hier

L’ensemble des modifications majeures des tourbières a démarré de façon précoce, il y a plusieurs millénaires, mais s’est fortement accéléré au cours du XIXe siècle.

Les principaux aménagements consistaient à modifier les réseaux hydrographiques : creusement et canalisation des cours d’eau, pose de seuils, creusement de réseaux de drainage, moulins à eau… au sein même des tourbières. Ils ont eu pour conséquences des perturbations des régimes hydrologiques provoquant parfois l’inondation de ces espaces, mais le plus souvent leur assèchement, pour permettre notamment leur mise en culture.

L’extraction de la tourbe a été très pratiquée dans le Nord de la France entre le XVIe et la moitié du XXe siècle et a profondément marqué le visage des tourbières. Elle a contribué à réduire les surfaces de tourbières en place en les remplaçant par des pièces d’eau ou en modifiant leur sol ou leur hydrologie par le biais de multiples activités associées au tourbage. L’exploitation de tourbe a peu à peu été remplacée par l’utilisation du charbon, puis par le pétrole ; elle est aujourd’hui totalement abandonnée dans nos régions.

Même si l’aménagement des réseaux hydrographiques est mieux encadré, les conséquences de ces perturbations créées par le passé subsistent toujours aujourd’hui. L’évolution récente des pratiques agricoles comme de loisirs vient ajouter de nouvelles pressions. Finalement, la dégradation des milieux humides s’est accélérée au cours des dernières décennies, ne laissant plus que des complexes tourbeux relictuels, vestiges des tourbières bien plus étendues du passé. Les actions
perturbatrices ont entraîné une forte régression des surfaces occupées par des tourbières et continuent à les menacer.

Les maux d’aujourd’hui

Les tourbières qui ont traversé les siècles, si elles n’ont plus à souffrir de l’extraction de la tourbe, voient peser sur elles de nouvelles menaces :

1) L’intensification des pratiques agricoles et des usages

À la suite des drainages et modifications hydrologiques historiques, certaines pratiques agricoles extensives (par rapport à la situation actuelle) ont permis de maintenir artificiellement des paysages ouverts et des conditions favorables aux végétations de tourbières. En effet, la fauche et le pâturage ont freiné le développement des arbres. Or ces pratiques agricoles encore largement répandues dans les tourbières de la région au début du siècle dernier, ont ensuite été abandonnées, ou remplacées par des pratiques plus intensives conduisant à un boisement rapide, accéléré par l’assèchement partiel des sols.

2) Les activités modernes ont également des impacts majeurs sur les tourbières de la région, de façon directe ou indirecte :

  • L’urbanisation, la cabanisation c’est-à-dire la construction d’abris de loisirs et leurs aménagements associés (rejets d’eaux usées, introductions d’espèces ornementales, etc.) ;
  • L’épandage de remblais et le dépôt de déchets sous forme de décharges sauvages ;
  • La conversion des zones humides en cultures intensives ou maraîchères, l’utilisation de fertilisants, pesticides, vermifuges et antiparasitaires ;
  • La sylviculture de peupliers ;
  • Le brûlage (écobuage) et le fauchage, pratiqués sur des surfaces trop importantes et à des fréquences ou des périodes inadaptées ;
  • Le pompage de l'eau (eau potable, irrigation, etc.) dans les nappes phréatiques qui alimentent les tourbières ;
  • Le ruissellement qui apporte des eaux riches en fertilisants et en polluants d’origine agricole et domestiques ;
  • L'érosion des sols produisant un envasement par l’apport de sédiments.

Certaines conséquences du changement climatique sont également déjà perceptibles : changement du régime des précipitations ou encore périodes de sécheresse plus fréquentes.

Drainage d'une tourbière
Mise en culture d'une tourbière

Des services écosystémiques altérés

Lorsqu’elles sont en bon état fonctionnel, les tourbières rendent divers services dit écosystémiques. Pour ce type de milieux, ils sont de 4 types : service de support pour la biodiversité (cycles des nutriments, pollinisation, photosynthèse, etc.), service d’approvisionnement (production de ressources pour l’agriculture, la chasse, la pêche ou encore l’extraction de la tourbe), services de régulation (prévention des inondations, soutien des débits d’étiage, régulation de la qualité de l’eau et régulation du climat) et services culturels et sociaux (conservation de traces et éléments archéologiques et scientifiques comme les pollens et les résidus de végétaux).

Toutes les perturbations qu’ont subies les tourbières ont altéré leur capacité à assurer les fonctions qui permettent de fournir ces services.

Les actions qui sont développées dans le cadre du LIFE Anthropofens visent donc à apporter des réponses à ces différentes menaces et aux enjeux que représentent les tourbières et leur préservation.

Pour plus de renseignements :

http://www.pole-tourbieres.org/a-la-decouverte-des-tourbieres/article/quelles-sont-les-causes-de

BERNARD G, 2016. Panorama des services écosystémiques des tourbières en France. Quels enjeux pour la
préservation et la restauration de ces milieux naturels ? Pôle -relais Tour bières – Fédération des Conservatoires
d’espaces naturels, 47 p.

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